Lettre à M.X.
Fontainebleau, le 21 octobre 1947
Monsieur,
Je suis parfaitement d’accord avec vous sur l’aspect
décoratif de mon ensemble. C’est seulement par le
voisinage des autres exposants que je m’en suis aperçu.
Dans mon atelier, je ne m’en rendais pas compte. Je lutterai
à l’avenir contre cet écueil. Je pense que
c’est en cherchant à me débarrasser de mon
réalisme (j’ai été sociétaire du
Salon des Artistes Français) que je suis tombé dans cet
excès.
Sentimentalisme dites-vous. Oui, mais à la GREUZE. Sous cet
aspect anodin par la psychanalyse, on peut découvrir un
érotisme censuré. " Le cheval à bascule " donne
l’idée de balancement, d’avances et de reculs, de
frottements. La forte personne blonde tient la queue du cheval dans sa
main droite, pour que le symbolisme soit complet. De la main gauche,
elle caresse deux gros grains de son collier. Le mouvement de sa cuisse
est également révélateur. Le petit garçon a
les orteils en éventail comme lorsqu’on lance son venin.
Enfin la personne blonde n’a pas de coiffe sur la tête,
elle n’est plus innocente. Le petit garçon par contre
possède un chapeau (symbole de son pucelage), chapeau en papier
donc peu solide pouvant se déchirer prochainement. La couleur
est en noir, ce qui fait penser à des amours incestueuses soit
avec une grande sœur soit avec une jeune maman. Vous voyez que le
contenu latent de cette peinture est assez risqué. Je suis
heureux que tout soit assez dissimulé, je ne veux pas tomber
dans la littérature. Je vous remercie bien vivement pour votre
bienveillance dans laquelle je puiserai un puissant stimulant pour mes
recherches picturales. Peut-être que j’arriverai
grâce en partie à vous à obtenir un certain
résultat.