Inconscient et peinture moderne
Extrait d’une conférence par Alfred-Georges REGNER
Boulogne/Mer, janvier 1950 - Conférence à
l’Hôtel de Ville
Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs,
Dois-je expliquer pourquoi, dans le titre de ma causerie, j'ai
associé peinture moderne et inconscient? Bien que la chose me
paraisse superflue, il est peut-être bien de le faire.
Les peintres à toutes les époques ont été
un miroir fidèle des préoccupations majeures et des
découvertes les plus bouleversantes de leurs contemporains,
participant bien souvent eux-mêmes aux recherches et mettant la
main à la pâte (sans jeu de mots). Ce que, à ma
connaissance, les peintres vivants ont encore la prétention de
faire.
Dans le monde de l'esprit, la découverte capitale la plus
récente est bien l'invention de la psychanalyse par FREUD. De
même qu'à la Renaissance les premiers balbutiements de la
science étaient le grand tourment des hommes.
La codification de la perspective devait être quelque chose de
passionnant pour les peintres savants du XV ème siècle.
Grandes devaient être les jouissances d'un Paolo UCCELLO en
traçant les premières fuyantes correctes. Dans un autre
ordre d'idées, le plaisir devait être aussi intense pour
un Léonard de VINCI disséquant et fixant par le dessin
l'intérieur de l'homme. Oui, réellement ces grands
peintres vivaient et travaillaient à la pointe de leur
époque pour pouvoir la comprendre, pour nous en transmettre une
image fidèle.
Un vrai peintre doit éviter de mettre ses pas dans les pas de
ses devanciers. Il ne reste plus rien de sensationnel à
découvrir dans la perspective et l'anatomie :
s'intéresser à ces sciences prouve seulement chez
l'intéressé une certaine nostalgie du passé,
symbole de l'enfance heureuse que de nombreux hommes cherchent à
retenir, à ressusciter, par crainte de la vie.
L'inconscient est aujourd'hui, et pour longtemps encore, la terre
inconnue que les êtres qui cherchent doivent explorer. Les
peintres ne doivent pas faillir à leurs missions. L'inconscient
doit les exalter.
Pour cette entreprise, la connaissance de la psychologie des
profondeurs est indispensable. C'est la clé qui ouvre la voie
royale, c'est la clé qui ouvre notre moi le plus profond, c'est
la clé qui permet de nous connaître et de connaître
les autres.
L'exploration de l'âme par la psychanalyse renseigne sur le
pourquoi d'une vocation et, en particulier, sur le pourquoi d'une
vocation artistique.
Alfred Georges REGNER
Extrait d’une conférence
Boulogne/Mer, janvier 1950 - Conférence à
l’Hôtel de Ville